Le sexe du
maître
L'érotisme
d'après Lacan
Jean
Allouch
Le maître a donc un sexe? Au sens où il en posséderait un, dont il userait à son gré, certainement pas. Bien plutôt en est-il l'esclave. Mais quel sexe? La réponse peut surprendre, mème si elle est historiquement attestée: non pas le flamboyant phallus (lui-mème appelé "maître d'éros", ce qui prouve bien que le maître n'en est pas maître) mais l'anus. "Souverain", en latin, se dit superanus.
La sexualité du maître est assise dessus, hormis le fait que c'est un anus intouchable, interdit, moyennant quoi le maître manque de stabilité, de cette habileté qu'on lui prète fort illusoirement et que chacun - poussé par les idéaux modernes d'autonomie, de liberté, de contrôle de soi et d'autrui, de responsabilité - croit pouvoir endosser.
La mort de Dieu le maître étant la fin véritable de l'immortalité, la sexualité moderne devrait se précipiter, à nouveaux frais, dans la maîtrise. C'est peine perdue, souligne le livre qui, suivant quelques fils dépliés par Freud, Foucault, Lacan, mais aussi par certains travaux gays et lesbiens, tente de dire les conséquences de cet écher. "Il y a sur le sexe un secret bien gardé: la plupart des gens n'aime pas ça".
Jean Allouch. Psychanalyste, vit à Paris. Il a publié notamment Marguerite, l'aimé de Lacan et Erotique du deuil au temps de la mort seche (Epel)