Psicoanálisis y Estado |
Verbatim de
la rencontre du 12 décembre 2003
entre des représentants des associations psychanalytiques et le
Ministère de la Santé.
Rédigé par Elisabeth Roudinesco le lendemain de la réunion à partir de notes prises sur place.
Présents
- M. JF Mattei, Ministre de la Santé
- M. Alain Corvez, son conseiller
- Mme Marilia Aisenstein, SPP
- M. Bazalgette, 4e groupe,
- M. Gomez Mango, APF
- M. Patrick Guyomard, SPF
- M. Claude Landman, ALI. Représentant aussi le Cercle Freudien, Le coût freudien et Psychanalyse freudienne
- Mme Lilia Mahjoub, ECF
- M. Charles Melman, ALI
- Mme Elisabeth Roudinesco (Ecole de psychanalyse Sigmund Freud, Forums psychanalytiques, SIURPP, Fedepsy)
- M. J. Sédat (Groupe de contact, APUI (sic!), Espace ?
- Jacques Sédat n'a pas précisé tout au long de la discussion qu'il était explicitement mandaté par Espace analytique. La présidente, Catherine Mathelin et Alain Vannier ignoraient l'existence de cette réunion. Ils en ont été avertis par moi(ER) le 10 décembre.
- M.J.A. Miller, invité, n'est pas venu.
M. Mattei : Je connais déjà certains d'entre vous et je voulais vous rencontrer pour recueillir vos réactions sur l'amendement. M. Corvez a noué de longue date un débat avec vous et nous constatons que l'amendement ne vous convient pas. Notez d'ailleurs qu'il n'est pas venu d'une initiative ministérielle. Au point où nous en sommes, trois options sont possibles : soit le passage en force de l'amendement Accoyer, ce que je ne souhaite pas. Soit le retrait pur et simple, parfaitement possible compte tenu des navettes qui auront lieu entre le Sénat et l'Assemblée. Soit un aménagement de l'amendement excluant définitivement la psychanalyse du champ de ses applications. Je vous distribue le texte sur lequel vous vous êtes entendus avec M. Corvez et si une deuxième écriture ne vous satisfait pas, on peut encore l'amender par le jeu des navettes.
M. Guyomard : Nous avons réfléchi et nous sommes arrivés à une conception de l'amendement différente de celle du Dr Accoyer. D'où la contre-proposition de Landman. Nous tenons à ce que la psychanalyse soit différenciée de la psychothérapie car vous savez, Monsieur le ministre, qu'elle jouit en France d'une situation unique au monde. Nous ne sommes pas favorables à un statut des psychothérapeutes mais à une intersection qui permettrait aux psychanalystes d'appliquer leur discipline aux psychothérapeutes afin de les contrôler.
M.Mattei : Spontanément, je pensais bien que la psychanalyse devait absolument sortir du champ de l'amendement. Je confirme donc que cette sortie souhaitée par tout le monde est faite. Mais alors, un problème se pose. Est-ce que le titre de psychanalyste est contrôlé ? Est-ce que, si quelqu'un se nomme psychanalyste, ce titre est protégé ? Madame Roudinesco dans son article du Monde souligne qu'avec l'amendement, n'importe quel psychothérapeute pourra s'appeler psychanalyste. Est-ce exact ?
Mme Roudinesco : Oui, Monsieur le ministre, bien que les sociétés psychanalytiques soient toutes capables de répondre de leur formation. Pour ma part, dans le recensement que j'ai effectué des associations, j'ai exclu toutes les sectes - bouddhistes, tantriques, scientologiques ou autres - qui m'écrivent régulièrement pour figurer dans les réimpressions de mes livres.
M. Guyomard : De fait, la régulation se fait par les écoles. La profession s'auto régule.
Mme Aisenstein : Il y a des dérives, mais à la SPP nous sommes vigilants. La SPP est la plus ancienne société fondée en France et je la représente.
M. Mattei : Ma question est la suivante : si l'on encadre les autres, comment ferez-vous pour protéger le titre de psychanalyste ?
Mme Roudinesco : Monsieur le ministre, tout le problème est là. On ne peut rien protéger de cette manière, comprenez-le bien. C'est pourquoi il faut retirer l'amendement.
M. Melman : Je représente ici 2500 psychanalystes. Il y avait un vide juridique. Je soutiens Monsieur Accoyer et Monsieur Vasseur car l'existence des fédérations de psychothérapeutes justifie pleinement qu'il y ait un amendement. Les psychothérapeutes peuvent être distingués. Il est parfaitement possible de dresser une liste de leurs membres, de constituer un annuaire qui permette de les juger aptes, après passage devant un jury, à pratiquer la psychothérapie. La situation est claire du côté des psychanalystes et là, je souhaite que le gouvernement n'intervienne pas.
Mme Roudinesco : Je souhaite prendre le problème autrement. Il faut nommer une mission de sages capables de dresser un véritable état des lieux de la souffrance psychique en France et des praticiens qui s'en occupent. Il faut comprendre que le problème vient de l'effondrement de la psychiatrie et de la reconfiguration des diverses disciplines et pratiques : psychologie, psychanalyse, psychothérapie. Mais aussi, je voudrais que ne soit pas exclue du débat la question de l'enseignement de la psychanalyse à l'université par le biais de la psychologie clinique. Il faut désenclaver la psychologie clinique de l'idéologie scientiste. Et de même, il ne faut pas qu'une psychiatrie obsolète et qui n'est plus une véritable discipline à part entière s'empare de la question de l'expertise en général. En quoi un psychiatre est-il capable d'expertiser un psychothérapeute ? Ce n'est pas parce que la psychanalyse est exclue de ce nouvel amendement d'amendement qu'il faut encadrer l'ensemble des psychothérapies par des expertises obsolètes. J'ai lu toutes sortes de rapports, mais franchement, personne à ce jour n'a étudié sérieusement l'histoire des psychothérapies en France. Il est évident que sur les 30 000 psychothérapeutes, peut-être un tiers sont infiltrés pas des sectes. Mais les autres ne méritent pas d'êtres jugés sectaires. Je réitère ma proposition d'une étude sur plusieurs mois de l'ensemble des problèmes, qui permettrait alors de voter, si besoin, une bonne loi et non un amendement permettant des querelles fratricides. Je représente ici le SIUERPP, dirigé par Roland Gori, les forums du Champ lacanien, Fedepsy, et je suis mandatée par une société savante, la SIHPP, qui n'est pas concernée. Enfin, j'ai sous les yeux les textes de l'Ecole Sigmund Freud. Tous ces groupes sont favorables au retrait de l'amendement, et si l'on compte les membres de l'ECF et ceux d'Espace psychanalytique qui a pris position pour le retrait , il me semble que cela représente un peu moins de la moitié du champ psychanalytique français. Ce n'est pas négligeable. Par ailleurs, la course aux charlatans dans de telles conditions ne me paraît pas valable. À titre d'anecdote, je suis attaquée dans une lettre ouverte adressée au Monde par une association de psychiatres homéopathes. Qu'allez-vous faire, messieurs, de ces psychiatres ? Deviendront-ils experts ? Savez-vous combien ils sont ? Non. Tout cet encadrement ne viendra pas à bout de l'illusion thérapeutique et de ses dérives. Il faut repartir de zéro et repenser l'ensemble.
M. Mattei : Chère Elisabeth Roudinesco, vous êtes toujours aussi pétulante et vous avez parfaitement raison. Mais comprenez bien qu'il est hors de question que je nomme une mission d'études dont les membres seraient forcément contestés à la minute. A ne voudrait pas de B qui ne voudrait pas de C, etc. Cette question n'est pas à l'ordre du jour. Ici , je reçois des corporations les unes après les autres, aujourd'hui les psychanalystes, ensuite les psychologues et les psychothérapeutes. Donc maintenant, je reviens à la question centrale. Malheureusement, je suis saisi en permanence par des plaintes d'usagers, je n'aime pas ce mot mais enfin, par des plaintes de plus en plus grandes de patients - ils ont des droits maintenant, vous le savez - qui se plaignent d'avoir été victimes de psychothérapeutes autoproclamés, charlatans, etc. Puisqu'il est acquis désormais que la psychanalyse ne figure pas dans l'amendement, il faut que vous ayiez des annuaires et il faut que vous trouviez le moyen de rédiger un annuaire commun qui vous protégerait contre les dérives de la psychothérapie.
Mme Roudinesco : J'ai chez moi la totalité des annuaires des groupes psychanalytiques. Ils sont consultables et je les ai utilisés - avec l'accord des sociétés - pour recenser leurs membres à des fins de recherches historiques. Il existe en ce domaine une transparence et si vous voulez consulter ces annuaires, cela est possible. Mais s'agit-il de cela ou d'autre chose ? S'agit-il d'un geste par lequel un annuaire ou des annuaires seraient donnés officiellement à l'Etat, à votre ministère, pour qu'il aide la psychanalyse à se contrôler ?
M.Mattéi : J'ai bien dit cela. Il faut si vous voulez vous protéger et être protégés que vous arriviez à faire un annuaire commun. Il doit être possible de collecter vos annuaires, de les grouper en un annuaire commun qui sera confié au Ministère de façon à vérifier qu'aucun psychothérapeute non habilité ne s'est infiltré dans vos rangs.
Mme Mahjoub : Pas question. Chaque école doit conserver son annuaire. Et les annuaires sont consultables. C'est tout.
M. Sédat : Monsieur le ministre, chaque société a son annuaire. La quasi-totalité des sociétés ont un annuaire.
M. Mattei : J'ai dit et j'insiste : il faut un annuaire commun. Comprenez bien que je cherche à protéger le champ de la psychanalyse en toute confiance dans le cadre de l'amendement. Cela vous permettrait d'encadrer la profession, de vous protéger des dérives et des charlatans. L'Etat pourra ainsi vous protéger.
Brouhaha, plusieurs prises de parole, résistance à l'idée de l'envoi des annuaires et surtout à la constitution d'un annuaire commun. Et puis, encouragé par Melman, Guyomard et Aisenstein, chacun promet d'envoyer ses annuaires et de tenter de faire un annuaire commun. Les plus résistants sont M. Gomez Mango (APF) et Bazalgette (4e groupe).
M. Landman : Je rends hommage à la SPP et au groupe de contact qui a permis un dialogue entre toutes les sociétés. Pour ma part, je pense qu'il serait bon de créer un Conseil des psychanalystes français.
M. Mattei : A condition que ce Conseil garantisse la profession par la remise de vos annuaires.
M. Bazalgette : Je voudrais dire à Mme Roudinesco que je n'approuve en aucune façon la politique de Roland Gori, qui cherche à former des psychanalystes à l'université sans passer par les écoles. Par ailleurs, il est impossible de créer un Conseil qui aurait automatiquement une fonction d'ordre. Et que ferions-nous si une nouvelle association se créait librement et qu'elle ne figure pas dans l'annuaire ?
Mme Roudinesco : Je prends la défense du SIUERPP et de Roland Gori, lequel ne cherche nullement à former des psychanalystes à l'université. Tout cela est inexact. D'ailleurs, Monsieur le ministre, il vous a demandé par lettre de le recevoir. Il avait sa place ici aujourd'hui. Et j'insiste, Monsieur le ministre, pour qu'on élève le débat. La situation est grave et la psychanalyse ne se résume pas à une affaire d'annuaire ou de protection par l'Etat. Le problème est ailleurs. On ne négocie pas le retrait de la psychanalyse du champ d'application d'un amendement en échange d'une remise d'annuaires qui ferait passer la psychanalyse sous le contrôle d'un Ministère, même si l'intention est bienveillante.
M.Mattéi : Il faut éviter à tout prix la constitution d'une Instance ordinale. Quant à la création d'une nouvelle association, ce sera à vous de vous mettre d'accord pour qu'elle entre ou non dans votre annuaire. Mais il faut un annuaire dûment agréé.
M. Gomez Mango : Je représente une très petite société, mais qui compte parmi ses membres de très grands noms de la psychanalyse française. Nous avons des positions axées sur l'autonomie de la formation. Et nous n'avons aucune position officielle sur la question de l'amendement. Je ne prends pas position, mais je suis heureux de voir Monsieur le ministre affirmer que la psychanalyse n'est pas concernée. Je me place dans une perspective temporelle et je suis donc d'accord avec la proposition (il s'agit du texte de M. Landman)
M. Mattei : Ce qui est acquis définitivement en tout cas, c'est que la psychanalyse est hors du champ de l'amendement.
Chacun se félicite, E.R. ne dit rien, L. Mahjoub reste muette.
M. Bazalgette : Enfin, tout de même, on y touche quand même, à la psychanalyse par le biais de cette législation. On y touche.
M. Melman : Je tiens à féliciter M. Mattei. L'Etat a été formidable avec la psychanalyse. Je m'en réjouis.
M. Landman : Je voudrais souligner le problème des psychanalystes qui travaillent en institution et qui ne sont ni psychiatres ni psychologues mais universitaires, philosophes ou littéraires. C'est une grande richesse qu'ils soient psychanalystes et il faudrait qu'ils aient une reconnaissance. Qu'en pensez-vous, Monsieur le ministre ?
Mme Roudinesco : Il y a là un vrai problème que l'amendement ne résout en aucune façon, quelles que soient ses modifications.
M. Mattei : Je veux des annuaires car je dois garantir les droits des malades. Je propose donc que déjà on envoie les annuaires. Voulez-vous prendre la parole, Mme Mahjoub, puisque jusque-là vous n'avez rien dit ?
Mme Mahjoub : Monsieur le ministre, je vais lire une déclaration rédigée par le Bureau de l'ECF et J.A. Miller. (Cf. communiqué de l'ALP N° 13) demandant le retrait de l'amendement.
M. Mattei : Comprenez bien que nous sommes sollicités par des associations de patients. Je rappelle donc ici ce qui est acquis :
1) La psychanalyse n'est pas concernée par l'amendement. Nous laissons donc le choix aux écoles de se déclarer ou non par la remise des annuaires.
2) Je vais rencontrer les associations de psychothérapeutes. Et rien n'est définitif.
M. Sédat : Les psychothérapies ne sont pas fixées par l'amendement. Il faudrait faire quelque chose. (Malheureusement, mes notes sont ici en défaut. ER)
M. Mattei : Je vois bien que vous voulez un règlement. Monsieur Corvez reprendra contact avec vous et vous fera des propositions. Le texte de l'amendement vient au Sénat les 13 et 14 janvier. Merci d'être venus et d'avoir eu avec moi cette rencontre fructueuse.